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Êîììóíèêàöèè ñâÿçü öèôðîâûå ïðèáîðû è ðàäèîýëåêòðîíèêà
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Áàíêîâñêîå è áèðæåâîå äåëî
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W-10.RU
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Les moyens linguo-stylistiques de letude du texte

Les moyens linguo-stylistiques de letude du texte

Ministere de l'Enseignement public de l'Ukraine

Universite nationale pedagogique

Institut de philologie etrangere

Departement d'allemand et de francais

Memoire de cours:

Les moyens linguo-stylistiques de l'etude du texte

Memoire de cours de l'etudiante:

Konachaivitch Olga Igorivna

Directeur scientifique

Maitre de conferences

Vinichouk L.S.

Kyiv

2005

Table des matieres

1. Introduction

2. Liens de la linguistique textuelle avec d'autres sciences

3. Objet de la linguistique textuelle

4. Limites de l'analyse linguistique du sens

5. Notion de texte dans la linguistique textuelle

6. Texte litteraire

7. Probleme definitoire du texte

8. Regles du discours

9. Liens de la linguistique textuelle avec la stylistique

10. Texte en cadres de la stylistique

11. Notion de style

12. Langue et style

13. Analyse linguistique du recit

14. Conclusions

15. Ouvrages etudies

INTRODUCTION

La linguistique, etude scientifique du langage humain, a, depuis vingt ans, ete la bonne fee des sciences humaines. Il n'est pas de porte qu'elle n'ait paru devoir ouvrir miraculeusement. Elle a prete son vocabulaire a la sociologie, a la psychanalyse, a l'histoire, a l'analyse des mythes. Elle a meme deborde sur la biologie d'un cote, sur la critique litteraire et artistique de l'autre. Cet engouement s'explique, en partie, par le fait que la linguistique n'a penetre en France qu'avec beaucoup de retard, a partir de 1950 environ. Cette prise de conscience tardive s'est traduite dans bien des cas par des exploitations abusives et souvent erronees de notions linguistiques mal comprises. Ignoree la veille, la linguistique est devenue un beau matin la potion magique - utilisee a tort et a travers en dehors de son champ propre.

La linguistique actuelle se laisse plus facilement definir : son objet est la langue, composante sociale du langage, qui s'impose a l'individu et s'oppose a la parole, manifestation volontaire et individuelle. La langue est un systeme de signes particuliers dont l'etude exclut tout point de vue normatif. D'ou la constitution d'une terminologie nouvelle et rigoureuse. La langue parlee, oubliee pendant longtemps, devient l'objet de la recherche. Elle est envisagee, a un moment donne, comme une structure etalee, un systeme de valeurs dont les unites sont differentielles, oppositives, negatives.

La linguistique est generalement definie comme l'etude scientifique du langage. Mais cette discipline, qui part donc de l'etude du langage, en arrive surtout a s'en occuper des langues. L.Hjelmslev remarque qu'elle a comme objet specifique la langue, ainsi comme objet etudie le langage. A.Martinet constate, de son cote, que la linguistique etudie principalement la langue et, marginalement, le langage, instrument de communication par manifestation vocale. En fait, deux conceptions de la linguistique coexistent :

1. La linguistique comme description des langues: elle s'appuie sur l'observation objective du comportement linguistique des sujets parlants; elle decrit tout ce qui caracterise en propre une langue reconnue comme telle, considerant que l'etude d'un etat de langue peut avoir valeur explicative, et pas seulement descriptive. Se proposant comme ideal les methodes des sciences de la nature et l'objectivite du physicien, elle considere une langue comme un systeme de signes linguistiques.

2. La linguistique comme etude du fonctionnement du langage : elle s'appuie sur une conception unitaire du langage humain, considerant que les langues particulieres ne sont que des cas particuliers du langage. Les langues different les unes des autres, non dans leurs structures profondes, mais du fait de variations tout a fait superficielles; une analyse approfondie ferait apparaitre des universaux linguistiques qui temoignent d'une faculte naturelle du langage. Il y aurait ainsi un repertoire universel d'elements semantiques ou phonetiques dans lequel chaque langue choisirait les elements de base de sa combinatoire. A la notion de langue comme systeme de signes est substituee la notion de langue comme systeme de regles.

Les signes ne se definissent que par opposition. L'ensemble de ces oppositions constitue dans chaque langue un systeme, ou plutot un systeme de systemes : systeme phonologique, systeme syntaxique, systeme lexical.

La linguistique comme une science tres developpee a plusieurs branches. Dans ce travail nous allons nous arreter sur la linguistique textuelle ou bien l'analyse de textes et nous allons essayer d'eclaircir toutes ses particularites, et ainsi que ses liens avec d'autres sciences.

1. Liens de la linguistique textuelle avec d'autres sciences

Les liens de la linguistique textuelle avec d'autres sciences sont evidents. Elle est liee avec lexicologie, semasiologie et, bien sur, avec le texte lui-meme, car c'est a travers le texte qu'on decouvre toutes les facultes du mot et qu'on realise les acceptions figurees (secondaires) du langage. Les acceptions figurees sont opposees aux acceptions propres. Plusieurs linguistes ont de differents avis sur ce phenomene, mais sa nature reste la meme : a l'aide d'un certain nombre de signes verbaux la langue peut decrire tous les objets qui nous entourent. Cela se passe grace a l'assimetrie du signe de la langue : le meme signe peut designer differents objets et phenomenes. Autrement dit, on peut l'utiliser au sens propre ou bien au sens figure (ce dernier n'apparait que dans le texte et n'est pas fixe dans le dictionnaire).

La linguistique textuelle a aussi des liens avec la linguostylistique qui a pour but de decrire tous les types des textes. La construction de la typologie au niveau du texte est en meme temps une des branches de la linguistique textuelle. Donc les domaines des recherches de ces deux sciences sont etroitement lies. Linguostylistique etudie aussi les moyens expressifs du langage, et notamment les recherches du potentiel expressif des unites de la langue des differents niveaux et leur realisation dans le texte. Les dernieres annees linguostylistique a deux directions fondamentales :

la description systematique des elements stylistiquement marques;

l'etude de leur fonctionnement.

Cela signifie l'action reciproque entre la paradigmatique stylistique et la syntagmatique stylistique. Une vraie description systematique des elements de la langue est obligatoirement liee avec l'etude de leurs caracteristiques. Au rapprochement de la stylistique et de la linguistique du texte contribue une tendance a etudier les relations des unites de la langue dans le texte suivi.

La linguistique textuelle est liee a la syntaxe. L'etude du texte devient possible s'il existe des unites qui se caracterisent par des facultes particulieres de leurs elements. Cela determine les relations entre la linguistique du texte et la syntaxe car le demembrement actuel, la mise en relief du theme n'est possible que dans les cadres du texte.

La linguistique textuelle se differe d'autres disciplines linguistiques. Cela concerne notamment la methode des recherches : linguistique du texte se caracterise par explication des phenomenes linguistiques non seulement a l'aide d'eux-memes, mais aussi grace aux facteurs extra-linguistiques : la perception du texte et l'objectif communicatif.

2. Objet de la linguistique textuelle

La linguistique du texte s'occupe de systematisation des faits sur la diversite du fonctionnement des unites de la langue dans le texte.

Le devenir de la linguistique textuelle en qualite de la branche particuliere de la philologie reflete tout le developpement de la linguistique moderne. C'est le texte qui est une unite primaire sur laquelle se fondent toutes les disciplines linguistiques. Cette pensee, prononcee par M. Bachtine, est devenue la base pour la linguistique textuelle. Le celebre linguiste allemand Z.Chmidt ecrivait que le texte est une unite primaire, une categorie de base. On peut trouver chez plusieurs linguistes les idees semblables a celles de Z.Chmidt et de M.Bachtine. L'unite de base d'une langue ce n'est pas le mot ou bien la proposition. C'est le texte qui est une unite superieure et independante de la langue.

A present la linguistique textuelle attire une attention particuliere des linguistes. Les dernieres decennies sont marquees par le vaste developpement de cette science. Beaucoup d'articles, de monographies, de manuels sont consacres a la linguistique textuelle. Le linguiste allemand P. Chartmann qui travaillait longtemps dans le domaine de la theorie du texte, ecrivait dans un de ses ouvrages qu'a present il existe une linguistique qui est orientee vers l'etude du texte. Cette linguistique presente les dernieres recherches les plus fecondes dans ce domaine. Elle elargit le diapason des interets en linguistique et ouvre le chemin pour toutes les autres idees linguistiques.

Sous le nom d'analyse de textes se trouvent liees deux recherches associees mais distinctes. Il s'agit d'une part de decrire l'ensemble des structures linguistiques plus grandes que les structures traditionnellement analysees dans le cadre de la phrase. Meme en ne considerant que les unites grammaticales, il apparait en effet de plus en plus nettement qu'on ne peut se limiter au cadre de la seule phrase. Encore plus evidemment l'etude du semantisme lexical suppose qu'on ne se contente pas d'une methode distributionnelle ou l'on rapproche tout les contextes d'une unite, mais que l'on tienne compte du deroulement du recit, de l'argumentation : un texte ne fonctionnera pas de la meme facon si c'est au debut ou a la fin qu'on indique en quel sens particulier un terme est pris.

Mais d'autre part considerer un texte comme texte, c'est chercher a le replacer dans l'ensemble du circuit de la communication, a repondre aux questions : qui s'adresse a qui? en utilisant quel code? en renvoyant a quelle realite, connue ou non autrement que par le discours, en taisant au contraire tel ou tel aspect de la realite? Comme chacun le constate, le sens d'un roman, d'un poeme ou d'un discours politique est tout autant dans ce qu'il tait que dans ce qu'il dit.

L'interet vers l'etude du texte est conditionne par tendance d'expliquer une langue comme un phenomene global du point de vue de la linguistique moderne, comme un moyen de communication, d'etudier plus profondement les liens de la langue avec differentes cotes de l'activite humaine qui se realise a travers le texte. On peut aussi expliquer cet interet par tendance d'etudier les regularites de la langue qui ne se decouvrent que dans le texte. Avec cela l'objet d'etude est une des fonctions fondamentales de la langue - la creation du texte. La linguistique textuelle est une science qui etudie la nature et l'organisation des conditions de la communication.

L'idee d'etudier le texte suivi a paru pour contrebalancer “atomisme” et d'autres methodes des recherches qui etaient proposees par les ecoles structuralistes. La linguistique structurale ne satisfaisait plus car il y avait plusieurs phenomenes qu'elle ne pouvait pas expliquer. Le structuralisme se caracterise par le demembrement du langage en unites terminees et leur classification. Donc aucune de ces ecoles n'a pu proposer une theorie de la langue qui pourrait satisfaire. On peut unir toutes ces ecoles comme “antimentalistiques”.

On peut mettre en relief quelques directions du developpement de la linguistique du texte :

1. l'etude du texte comme systeme superieur;

2. la construction de la typologie des textes selon les parametres communicatifs et les marques linguistiques;

3. l'etude des unites composant le texte;

4. la mise en relief des categories du texte;

5. l'etude des liens et des relations entre les phrases.

Le linguiste allemand P. Chartmann parle de trois autres branches :

linguistique generale du texte;

linguistique d'un texte concret;

linguistique de la typologie des textes.

La linguistique textuelle etudie differents aspects du texte:

aspect ontologique - le caractere de l'existence du texte, ses particularites par rapport a la langue parlee,

aspect gnoceologique - le caractere de la reflexion dans le texte de l'actualite objective,

aspect linguistique - le caractere de la presentation linguale du texte,

aspect psychologique - le caractere de la perception du texte,

aspect pragmatique - le caractere du rapport de l'auteur du texte a l'actualite objective.

Nous allons analyser chacun de ces aspects:

Le texte c'est une unite compliquee qui se differe d'une simple succession de phrases. Cette unite se caracterise par integrite communicative, achevement semantique, par rapports logiques et grammatiques. L'un des problemes qui apparaissent dans l'etude du texte est de determiner ses particularites et d'etablir la difference entre le texte et la proposition. Les linguistes sont aussi preoccupes par les recherches des criteres semantiques et syntaxiques de l'unite du texte, l'unite de sa structure interieure.

La construction de la typologie des textes presente beaucoup de difficultes a cause d'un grand nombre de variations de l'objet, c'est-a-dire du texte. Mais quand meme on peut deja parler de grands resultats dans ce domaine. Il existe les descriptions des particularites communicatives, structurales et semantiques des textes d'un conte, d'une ballade, d'un mythe, d'un roman policier et d'un article.

On connait d'autres criteres de la construction de la typologie des textes. Parmi eux on peut citer les suivants: le premier est fonde sur l'analyse des manieres des rapports des elements qui entrent dans le texte; le deuxieme est fonde sur l'etude de l'objectif communicatif et sur les particularites semantiques du texte. La typologie creee selon deuxieme critere se construit autour du modele d'un acte du langage, propose par le fondateur du structuralisme R.Jackobson. On fait de differentes oppositions selon les elements de l'acte communicatif sur lesquels s'oriente le texte.

Par exemple, s'il s'oriente sur l'expediteur du message - on distingue des textes collectifs (prose scientifique, langage d'affaire) et individuels (oeuvres d'art).

En analysant les structures du texte on fait d'autres oppositions:

des textes complets et non complets;

des textes marques et non marques.

D'autres linguistes proposent d'autres constructions de la typologie des textes. Donc on ne peut pas estimer ce probleme bien etudie. Les linguistes cherchent de nouveaux criteres selon lesquels on oppose les textes et on les reunit en types.

L'etude des unites qui composent le texte elargit les cadres de la theorie syntaxique, en y introduisant comme objet d'etude une nouvelle unite qui est plus grande qu'une proposition. On nomme cette unite ensemble syntaxique compose. Cette branche de syntaxe est l'une des moins etudiees. Elle a ete elaboree par A.Pechkovski, L.Boulachovski, N.Pospelov.

La mise en relief des categories particulieres du texte, des moyens de l'expression est etudiee au cours des dernieres annees. Cette branche est liee avec tels noms des linguistes comme I.Galperin, P.Charveg. Mais jusqu'a present il n'y a pas de seule opinion sur les categories du texte et leur classification.

L'etude des relations et des liens entre les phrases preoccupe les linguistes. L'examen de la liaison semantique et structurale entre les elements du texte contribue a l'elaboration de la syntaxe des structures composees.

3. Limites de l'analyse linguistique du sens

Dans la mesure ou les echanges linguistiques oraux comme ecrits sont le plus souvent de dimensions superieures a celles de la phrase, les deux sens d'analyse de textes sont lies. D'autant que les effets de sens fondamentaux, la relation a la realite extra-linguistique, la modification du sens des elements du “code” ne se manifestent pas - pour l'essentiel - au niveau de la phrase. Reste que les effets textuels au sens d'effets au niveau des grandes unites tout autant que les effets lexicaux, phoniques, syntaxiques ne sont pas etudies ici en eux-memes, mais dans leur contribution au fonctionnement global du texte, ce qui pose le probleme des limites de l'approche linguistique de la signification.

Qu'il s'agisse de l'analyse de l'ensemble des systemes semiologiques ou du role du langage dans ce qu'on designe du nom de “la pensee”, il nous semble qu'on a largement tendu dans les developpements recents des sciences humaines a oublier que la signification meme de semiotique et de linguistique ne pouvait apparaitre que dans leur relation a l'extra-semiotique et a l'extra-linguistique. Principalement a l'ensemble des pratiques qui eventuellement signifiantes, sont d'abord des pratiques de modification de la nature et ne sont que secondairement signifiantes. On risque, si on oublie cela, de remplacer l'idealisme de la conscience subjective par l'idealisme objectif du “tout est signification”.

Plus precisement, le fait qu'une pratique humaine passe par l'utilisation du langage et que le langage soit un mode de communication “universel”, non limite a priori dans son objet, ne signifie pas que le linguiste est au centre de l'analyse de cette pratique. Pour prendre deux exemples opposes:

Considerer un texte comme ideologique, c'est non pas en faire une analyse interne en cernant des traits structurels qui distingueraient “le” discours ideolologique du discours scientifique mais renvoyer ce discours a la situation et aux interets, aux pratiques effectives des groupes au nom desquels ce discours est tenu.

De meme, c'est d'abord en tant que chimiste ou mathematicien que l'on peut juger des textes de chimie ou de mathematiques : dans la mesure ou c'est leur valeur de verite qui est le probleme essentiel, ce n'est pas ce que le linguiste a a en dire qui est central.

Peut-on alors dire que le linguiste n'a a s'interesser au discours que dans la mesure ou il ne s'occupe pas du probleme de la verite des textes mais seulement des “moyens linguistiques” utilises?

Le texte embarrasse le linguiste ou du moins l'a longtemps embarrasse au point que celui-ci ignorait le plus souvent celui-la comme en temoigne cette remarque du “Dictionnaire encyclopedique des sciences du langage” de O.Ducrot et V. Todorov: “La linguistique limite a la phrase l'objet de son investigation… Il en est resulte un vide dans la theorie du texte, que des remarques dispersees de la part des litteraires n'ont pas encore comble”. En plus de vingt ans la situation s'est sensiblement modifiee et l'on peut considerer qu'une branche nouvelle de la linguistique est nee, dont l'objet specifique est le texte et qui recoit des denominations diverses telles que grammaire de texte, analyse du discours, pragmatique textuelle, linguistique textuelle, etc.

Au demeurant l'attention a la realite textuelle est loin d'etre un phenomene recent si l'on sort du cadre strict des sciences du langage; elle est meme fort ancienne si l'on songe aux pratiques philologiques des humanistes de la Renaissance et plus encore aux analyses formelles des textes litteraires, a la base d'une discipline comme la stylistique - laquelle pour etre relativement recente comme discipline academiquement reconnue, puise sinon sa methodologie du moins une part de sa terminologie dans cette autre pratique de l'Antiquite grecque puis latine: la rhetorique, definissable a la fois comme art de la persuasion et typologie des textes. La linguistique textuelle est donc, on le voit, une discipline quelque peu paradoxale. Evaluee a l'aune de ce qu'il est convenu d'appeler la linguistique moderne, elle parait toute jeune et en quete de legitimite; replacee dans la longue duree des savoirs et des techniques - philologique, litteraire et judiciaire - qui ont pour objet, sinon le texte en general, du moins certains types de textes, elle semble n'en etre que le prolongement ou l'elargissement.

De fait, l'ambition de la linguistique textuelle, comparee notamment a celle de la stylistique - normalement entendue comme stylistique du texte litteraire - est de decrire tout texte: non seulement ceux que la tradition reconnait comme dotes d'une qualite esthetique, mais tous les autres : textes scientifiques, techniques et juridiques, discours politiques et messages publicitaires, sans oublier la conversation quotidienne.

Loin d'etre par consequent un objet qui se deroberait a l'examen le texte apparait comme la donnee empirique la plus directement accessible a l'observateur. Encore faut-il pour le decrire en maitriser la profusion et l'extreme variete. De la procedent les deux objectifs prioritaires d'une linguistique textuelle: 1) la signification exacte de ce qu'est un texte, de son mode de fonctionnement (c'est la la tache d'une grammaire de texte en general); 2) l'identification des divers types de texte qui fournit la matiere d'une typologie textuelle.

4. Notion de texte dans la linguistique textuelle

On n'a pas encore la seule notion de texte qui serait complete et porterait le caractere terminologique. Donc on va s'arreter sur celui-ci: « Le texte est une quantite de propositions qui sont liees par differents types de liaison lexicale, logique et grammaticale, capable de rendre une information organisee ».

La linguistique textuelle a pour but de decrire l'organisation des conditions de la communication humaine. Conformement a cela l'objet d'etude de la linguistique textuelle est le texte qui est le produit du langage parle ou ecrit.

On peut citer encore une autre notion de texte, plus etroite, proposee par I.Galperin : «Le texte c'est un produit du langage parle fixe par ecrit». En conformite avec cette notion le texte possede une finalite, litteralement corrigee; il a le titre et toute une serie d'unites particulieres liees par differents types de la liaison lexicale, logique, grammatique et stylistique. Le texte se caracterise par l'incarnation graphique et par sa capacite de changer ses qualites. Le texte peut se trouver dans un etat de calme ou bien dans un etat de mouvement. Son existence n'est bornee de rien.

Le texte reflete l'actualite et donne des renseignements sur cette derniere.

Il existe plusieurs conceptions qui interpretent differemment la notion de texte selon l'aspect principal qu'elles mettent en relief:

les conceptions qui mettent en relief un aspect statique : on comprend le texte comme une information degagee de l'expediteur,

les conceptions qui mettent en relief la processualite du texte : on tient compte de la capacite de la langue de fonctionner en langage.

les conceptions qui font l'accent sur la source du texte, c'est-a-dire sur l'activite de la parole. Ces conceptions s'orientent sur l'acte de la communication qui suppose la presence de l'expediteur et du destinataire.

les conceptions stratificationnees qui examinent le texte comme un niveau du systeme de la langue. L'inclusion du texte dans hierarchie des niveaux de la langue suppose l'examen d'un texte abstrait et d'un texte dans sa realisation concrete.

5. Texte litteraire

La meme notion « le texte » embrasse de differents objets : « texte » comme produit de la langue naturelle et « texte » comme produit de l'art. On nomme la langue naturelle un systeme primaire car on decouvre le monde a l'aide de la langue et on donne des noms aux differents phenomenes.

Le texte litteraire c'est un systeme secondaire parce qu'y se croisent le reflet du monde objectif et l'invention de l'auteur. La langue naturelle est un materiel de construction pour le texte litteraire. La langue du texte litteraire possede un systeme particulier de signes qui reste le meme pour differentes langues.

Et dans ce sens on peut dire que « Anna Karenina » et « Madame Bovary » sont ecrits en meme langue. Cette langue se caracterise par une pluralite d'interpretations. Trois valeurs principales cooperent dans le texte : la valeur de l'actualite, la valeur des notions et la valeur des significations.

Le texte comme produit de la langue se caracterise par la formule « actualite - sens - texte »; dans le texte litteraire cette formule se transforme en « actualite - image - texte ». Cela reflete telles caracteristiques du texte : union de l'actualite objective et de la fantaisie, de la verite et de la fiction.

Ces particularites du texte litteraire donnent naissance a la pluralite des plans semantiques. En parlant de la semantique de texte il faut mentionner le plan du contenu et le sens du texte.

6. Probleme definitoire du texte

Si le texte embarrasse le linguiste, c'est qu'il a quelque mal a en donner une definition. En soi, notons-le bien, cette difficulte n'est pas exceptionnelle : la notion de texte appartient en realite a cet ensemble de notions pretheoriques que la linguistique a heritees de la tradition grammaticale, rhetorique ou philosophique et qui sont plus intuitivement percues que conceptuellement delimitees.

En ce qui concerne le texte, la difficulte est accrue du fait sui-vant. En effet, ce que font clairement apparaitre toutes les analyses de type structural (au sens le plus large du mot), c'est que, du phoneme au syntagme, toutes les unites subphrastiques sont identifiables par le biais d'une decomposition associant la double procedure de la segmentation et de la commutation et impliquant l'existence de classes distributionnelles de phonemes, de morphemes et de syntagmes. Il est correlativement possible de definir le morpheme comme une suite ordonnee de phonemes, le syntagme comme une suite ordonnee de morphemes et la phrase comme une suite ordonnee de syntagmes : decrire la grammaire d'une langue, a travers les trois approches (phonologique, morphologique et syntaxique), c'est, notamment, mettre en evidence la nature de ces ordinations. Or, bien que l'analyse distributionnelle ait pu etre presentee par cer-tains distributionnalistes comme egalement applicable au texte, des lors defini comme suite ordonnee de phrases, on voit mal ce que pourrait etre une classe distributionnelle de phrases : il faudrait pour cela pouvoir definir formellement une phrase par la somme de ses environnements possibles, deux phrases etant reputees appartenir a la meme classe des lors qu'elles seraient substituables l'une a l'autre dans un meme environnement.

Cela revient a dire qu'on ne saurait decomposer le texte en phrases comme on peut decomposer la phrase en syntagmes, le syntagme en morphemes et le morpheme en phonemes -- ce qui signifie que, dans le cas particulier du texte, le rapport du tout a la partie ne releve pas du meme type de previsibilite que celui qui existe entre chacune des unites subphrastiques et leurs constituants imme-diats. Ce saut de nature, qu'on effectue en passant de la phrase au texte, est d'ailleurs explicitement reconnu par la plupart des syntacticiens qui s'accordent, en general, pour affirmer que la phrase constitue l'horizon indepassable de leur champ descriptif.

Une approche distributionnaliste du texte, outre qu'elle expose a une impasse methodologique tenant au fait qu'on ne saurait iden-tifier les constituants immediats d'un texte, se heurte a une autre difficulte, inherente a sa dimension « quantitative » : aussi bien, rien n'interdit de concevoir un texte qui se limiterait a une seule phrase, elle-meme d'ailleurs faite d'un seul morpheme. Sans aller jusque-la, songeons au poeme d'Apollinaire, Chantre, qui tient tout entier, outre son titre, dans l'unique vers :

Et l'unique cordeau des trompettes marines.

Precisement, si l'on s'accorde a reconnaitre dans ce vers non pas une phrase isolee mais un texte, c'est que du fait de son association avec le titre et surtout de son debut par et, il invite a chercher dans son environnement un contexte qui l'explique et surtout le justifie, si problematique soit-il. Sans doute touchons-nous la a l'essentiel : ce qui fonde l'existence du texte, ce n'est pas sa longueur -- elle peut etre tres variable --, c'est la nature prioritairement contex-tuelle de son interpretation.

Le texte se trouve de la sorte singulierement proche de l'enonce, defini, on s'en souvient, comme la somme d'une phrase et d'une situation (ou contexte) enonciatif. Dans le cas ou le texte est d'une certaine longueur, il est en fait somme d'enonces, lesquels sont for-mellement identifiables a des phrases ou des sequences phrastiques (paragraphes, chapitres, etc.). Chacune de ces sequences est tribu-taire de deux contextes : a) un contexte proprement linguistique, qui reunit une ou plusieurs autres sequences qui la precedent et/ou la suivent ; b) un contexte enonciatif.

Si on accepte de definir le texte comme une suite d'enonces (eventuellement reductible a un seul), la grammaire de texte, elle-meme definissable comme l'ensemble des regles permettant l'inter-pretation (ou, plus exactement, la prevision d'interpretation) des textes, devra s'assigner -- au minimum -- deux objectifs: a) fixer les regles d'interpretation liee au contexte linguistique, indepen-damment de tout engagement enonciatif (composante locutoire du texte); b) fixer les regles d'interpretation liee au contexte enonciatif (composante illocutoire du texte). Independamment -- redisons-le -- de toute situation enonciative, tout element d'un texte, et par consequent tout texte, doit obeir a une regle majeure : la cohesion textuelle (ou continuite the-matique). Cette regle exige que toute sequence textuelle s'insere de maniere satisfaisante dans son contexte linguistique. Le non-respect d'une telle regle expose a ce qu'on nomme communement le coq-a-l'ane. Ainsi, si un profes-seur de linguistique, au milieu d'un cours, declare d'un seul coup : Aujourd'hui est un tres grand jour : le Beaujolais nouveau est arrive, cette sequence textuelle, en elle-meme pleinement interpretable, sera contextuellement inacceptable.

La grammaire de texte, dans sa prise en compte de la compo-sante locutoire du texte, doit etre en mesure de repertorier les mecanismes qui assurent le respect de la cohesion textuelle. Ces mecanismes sont essentiellement de nature semantique.

7. Regles du discours 

Par commodite, on distinguera deux ensembles de regles, d'ail-leurs etroitement lies : a) le premier reunit les regles qui permettent la relation qu'il faut instaurer entre l'enonciateur et le destinataire pour que la persuasion soit effective ; b) le second concerne, plus specifiquement, les moyens techniques qu'il faut mettre en ?uvre, c'est-a-dire le travail du texte par l'enonciateur. L'art de persuader etant en cause des qu'on se place non plus dans l'ordre du vrai (plan de la logique) mais dans celui du vraisemblable, l'orateur se doit de mettre en ?uvre un certain nombre d'arguments de nature a emporter l'adhesion de son auditoire, c'est-a-dire a assurer la cre-dibilite de son propos.

Aristote distingue trois types d'arguments : l'argument ethique, l'argument pathetique et l'argument logique. Les deux premiers sont d'ordre affectif, le troisieme d'ordre rationnel. L'argument ethique renvoie aux valeurs morales qui, normale-ment, doivent s'attacher a la personne de l'orateur. Notamment, il doit tout mettre en ?uvre pour susciter chez son destinataire la presomption de sincerite. L'argument pathetique renvoie plutot aux effets de caractere psychologique que l'orateur doit susciter chez le destinataire : il doit notamment chercher a l'emouvoir. L'argument logique renvoie a l'argumentation meme que l'orateur developpe, c'est-a-dire a la dialectique du discours, aux preuves qu'il choisit et a la maniere qu'il a de les agencer.

Le travail du texte. -- S'il est vrai que l'art oratoire est un tout et, comme l'appelait G. Molinie, que la personne physique de l'orateur, son sens de la gestualite, son vetement meme importent, il reste qu'il se realise essentiellement dans l'elaboration du discours. Le discours est concu comme un acte de langage complexe, traditionnellement divise en quatre temps, qu'on designe par quatre termes techniques repris par calque des traites de rhetorique en langue latine : l'invention, la disposition, l'elocution et l'action. Les trois premiers correspondent a des phases preparatoires du discours, le quatrieme a sa proferation meme :

-- L'invention : moment, liminaire, de la recherche des arguments appeles a etre developpes en liaison avec le sujet a traiter.

-- La disposition : moment ou l'on organise ces arguments et ou, plus generalement, l'on fait le plan du discours -- lequel, en principe, s'articule en quatre parties : a) l'exorde, qui, notamment dans le genre judiciaire, consiste a rendre l'auditoire bienveillant ; b) la narration, ou expose des faits ; c) la confirmation, qui consiste en l'expose des arguments censes conduire a la conclusion souhaitee (elle inclut la refutation des arguments adverses) ; d) la peroraison qui, en principe, est a la fois recapitulation des arguments et appel direct a l'auditoire (non plus, comme au debut, pour susciter sa bienveillance, mais son enthousiasme, sa pitie ou son indigna-tion).

-- L'elocution : moment encore preparatoire, qui concerne l'ecriture meme du discours, notamment sa forme ou style. Cette exigence stylis-tique, sur laquelle insiste beaucoup Aristote, se laisse definir a partir de la notion clef de convenance. Il faut qu'il y ait un rapport aussi etroit que possible entre l'objet traite et la maniere de le traiter.

L'action : c'est «la prononciation effective du discours» ce qu'il peut impliquer d'effets de voix, de mimique et de gestique». Aristote definissait le genre dramatique et le genre epique res-pectivement a partir du theatre de Sophocle et de l'epopee home-rique. Autrement dit, au moins au depart, sa demarche etait empirique et inductive. Toutefois, la presentation qu'il fait de ces genres, l'influence platonicienne aidant, se laisse interpreter comme archetypique et anhistorique. De fait, meme si l'on admet qu'un genre (litteraire ou non) puisse faire l'objet d'inflexions historiques, il faut neanmoins postuler que la permanence l'emporte sur le change-ment pour que l'idee meme de genre, c'est-a-dire de genericite tex-tuelle, ait un sens.

De maniere generale, les linguistes modernes postulent cette genericite, sans laquelle l'idee meme de typologie textuelle parait impossible. Il nous semble que cette « reevaluation » moderne de la genericite textuelle a revetu deux formes: ou bien elle privilegie la dimension locutoire du texte, ou bien elle privilegie sa dimension illocutoire.

II s'agit de mettre en evidence des constantes, ou invariants structuraux, des textes appartenant a un meme genre. Le forma-lisme russe des annees 20 ou la semantique structurale d'A. J. Greimas, dans les annees 60, se rejoignent ainsi pour essayer de montrer qu'il y a, par exemple, des structures types du recit, qui sont en nombre fini, ce qui signifie que les relations entre les personnages tout comme l'enchainement des evenements obeissent a des sche-mas par certains cotes preetablis et, a ce titre, partiellement previ-sibles. En ce sens, on peut admettre qu'il existe une grammaire des genres, ce qui revient a dire qu'un genre (romanesque, theatral, etc.) se definit essentiellement par l'invariance de certaines relations formelles entre les composantes textuelles qui le cons-tituent.

Probablement plus moderne que l'approche precedente, qui, a bien des egards, n'est qu'une transposition dans le plan textuel des hypotheses structuralistes, elle renoue, en profondeur, avec l'an-tique approche aristotelicienne.

8. Liens de la linguistique textuelle avec la stylistique

Il faut bien preciser le fait que la linguistique est etroitement liee a la stylistique et surtout a la stylistique fonctionnelle.

La stylistique est a la fois une methode et une pratique, c'est-a-dire une discipline. On en a longtemps gauchi la specificite, voire conteste meme l'existence, en la subordonnant a son objet evident : le style. Or, cette evidence est apparue, a tort ou a raison, de plus en plus opaque ; on a semble se perdre parmi des definitions contradictoires du style ; on est alle jusqu'a dissoudre la realite de cet objet; on est ainsi arrive a une situation bien decevante : un champ de decombres, ou l'on ne fait plus de stylistique que par provocation, ou par defaut, ou par substitution. Situation paradoxale apres la grande floraison des etudes de langue ces dernieres annees ; mais situation, finalement, satisfaisante pour l'esprit routinier comme pour l'innovateur systematique.

Il est cependant dommage de ne pas profiter d'un moment privilegie dans notre epoque : celui qui relie l'irremplacable acquis des recherches classiques et traditionnelles precieux piments des developpements actuels les plus modernes. La sagesse consiste donc a partir de la stylistique et non du style. On installe au depart une praxis, et on examine ce qu'on trouve a la fin.

On admet qu'il s'agit d'analyser des faits langagiers. Mais quels faits ? Il est possible d'y voir plus clair en situant la discipline par rap-port a d'autres, avec lesquelles elle a partage le vaste mouvement hermeneutique de notre periode : la linguistique, la semiotique et la critique.

La stylistique est partie de la linguistique, entendue au sens de science du langage. Il ne faut pas etre dupe de ce terme de science, surtout a cause des connotations de sciences exactes qui lui sont indument, et comme par atavisme, attachees. Mais on peut appeler science l'investigation systematique et technique du domaine particulier de l'activite humaine qu'est le langage : une telle science, la linguistique, comprend incontestablement des disciplines diverses : phonetique et phonologie, semantique, lexicologie, syntaxe (pour ne citer que des domaines bien connus)... stylistique. L'objet de chacune de ces discipli-nes est plus ou moins manifeste, mais on concoit aisement qu'il s'agit chaque fois d'une aire a delimiter dans le phenomene linguistique. En tout cas, linguistique n'est pas pris au sens d'une theorie linguistique speciale.

La relation avec la semiotique permet de preciser les choses. Consideree moins dans la rigueur de la doctrine que dans son esprit et d'un point de vue global, la semiotique explore la portee significative vers l'exterieur -- la significativite -- d'un systeme semiologique donne : le langage; elle emprunte donc une partie de ses methodes a d'autres sciences qu'a la linguistique. Il n'empeche que les questions de representativite, de valeurs significatives, sont au c?ur de la problemati-que stylistique : decrire le fonctionnement d'une metaphore ou l'organisation d'une distribution de phrase, c'est necessaire ; mais cette operation n'a d'interet que si on peut aussi mesurer le degre du marquage langagier repere en l'occurrence. Et cette mesure, de pres ou de loin, est d'ordre semiotique.

La critique, enfin, est un discours sur le discours litteraire ; elle est aussi la somme des moyens utilisables pour tenir un discours toujours plus eclairant et toujours plus interessant ; parmi ces moyens, qui vont de l'histoire a l'esthetique, en passant par la grammaire historique, la sociologie, la psychologie et quantite d'autres approches, figure la stylistique, appliquee a la formation concrete du discours etudie. La science de la litterature, qui cerne la litterarite de ces discours, rencontre forcement les determinations stylistiques des genres et des procedes. La stylistique est ainsi un instrument de la critique (et notamment de la critique d'attribution). Il est peut-etre temps de dire clairement de quoi il s'agit ; mais on l'aura justement pressenti dans les lignes qui precedent. En realite, il existe plusieurs stylistiques. Et d'abord, d'une certaine facon, il y eut comme une premiere stylistique derivee de la phraseologie : c'est en gros la tradition de Ch.Bally. On part du principe que, dans la pratique du langage, on peut isoler des segments de discours, identifier des faits langagiers, et traduire de diverses facons des contenus semanti-ques identiques. Par rapport a une sorte de degre zero d'expression, approchable a l'aide d'un dictionnaire ideologique qui contribue a eclairer les manipulations appliquees a l'ensemble des informations possibles, on delimite un ecart dans le discours occurrent. On aboutit ainsi a une stylistique des parlers populaire, familier, affectif, commer-cial, litteraire... ; mais a une stylistique generale de chaque parler, et non a une stylistique individuelle. On peut meme, dans cet esprit, etablir des stylistiques comparees, de langue a langue.

Apparemment opposee a cette demarche est la tendance issue des tra-vaux de poetique de R.Jakobson, et parallele aux etudes de style de G.Spitzer. On pose d'emblee pour objet un texte recu comme litteraire, et on essaie d'en scruter le fonctionnement linguistique de maniere systematique, de facon a en demonter la specificite par opposition a d'autres, voisins ou lointains ; on peut aussi etendre la visee a un groupe de textes presentant quelque homogeneite generique. Ces etudes se differencient des analyses de styles -- l'art de juger ou d'ecrire -- de l'epoque classique, en ce qu'elles sont totalement depourvues de perspectives axiologiques : il s'agit de demontage technique; mais l'objet est en partie le meme.

Un domaine neglige, parmi les recherches de ce genre, est celui de la stylistique historique. Cette negligence conduit a enfoncer des portes ouvertes, a depenser beaucoup d'effort autour, par exemple, de tel emploi d'un demonstratif dans une tragedie de Racine, alors qu'une approche plus large y aurait fait decouvrir un simple usage commun a tout un etat de langue. Autre consequence, non moins facheuse : le risque de ne plus oser faire de commentaire stylistique sur les textes ecrits dans une langue qui n'est plus la notre. Il est donc urgent de promouvoir de multiples etudes synchroniques, comme autant de tranches composant des ensem-bles articules sur le devenir historique.

C'est par rapport a ces stylistiques-la que nous proposons ici des elements de stylistique generale, circonscrits au domaine du francais moderne, et orientes vers l'analyse des textes litteraires. Inutile de faire semblant de ne pas savoir ce qu'on cherche : caracteriser une maniere litteraire a la difference d'une autre, qu'il s'agisse de difference d'auteurs, d'?uvres ou de genres. On pose le postulat suivant : une maniere litteraire est le resultat d'une structure langagiere. Decrire une structure langagiere, c'est demonter les elements qui la composent, mais auxquels elle ne se reduit pas, et mettre au jour les diverses grilles qui organisent ces elements. Mais les structures langagieres qu'on examine ne sont pas exactement celles de tout acte de langage en situation commune, c'est-a-dire en fonction de communication ou de relation : ce sont celles qui correspondent au regime de litterarite. Les elements et la grille d'organi-sation dont la combinaison determine une maniere litteraire donnee sont des faits langagiers envisages exclusivement par rapport au regime de lit-terarite. D'autre part, on ne considere que des procedes, des moyens d'ex-pression, des determinations strictement formelles. Mais aussi, jouant au niveau de la forme de l'expression, le stylistique touche forcement la forme du contenu.

La pratique stylistique ne peut donc etre que structurale.

On peut d'abord envisager de quoi est compose le champ stylistique.

9.Texte en cadres de la stylistique.

Toutes ces deux sciences sont unies par le meme objet d'etude : LE TEXTE. Qu'est-ce que c'est donc un texte? Une certitude, neanmoins. Il n'y a de stylistique que textuelle, ne serait-ce qu'en raison des faits de macrostructure. Souvent, au cours des developpements precedents, on a rencontre le texte, veritable espace livre aux man?uvres stylistiques : celles-ci structurent celui-la, qui condi-tionne la portee de ces man?uvres. C'est dire que se cree une sorte de consubstantialite entre la discipline d'approche, la stylistique, et son domaine privilegie, la litterature. Evidemment, il faut entendre texte au sens large : depuis l'unite qui se donne elle-meme comme telle (scene, chapitre, poeme), jusqu'a l'oeuvre complete et meme a la serie gene-rique. La question de l'unite inferieure ne saurait se regler, eventuellement, que par des procedures d'analyse critique: a l'artifice du decoupage a fins purement experimentales (ou resolument extra-scientifiques, comme dans les controles de connaissances), ne saurait correspondre que l'artifice de la construction par l'analyste, de maniere a monter une pertinence quelconque dans l'elaboration langagiere. Justement, le texte est un montage, par un cote ou par l'autre : montage de structures langagieres a la production, y compris montage, plus automatique, des modeles generaux d'expression par rapport aux types fondamentaux de discours; montage de grilles a la reception, y compris montage, plus conscient, des procedures de saisie. Il est possible d'apprehender et de justifier un texte, c'est-a-dire la constitution d'une suite discursive en texte, a partir de chacune des articulations de ce double systeme de montage : quatre niveaux textuels, ou quatre textes. Ces considerations conduisent a consacrer le caractere scripturaire de la litterature : il est certain qu'un art non-langagier releve d'autres systemes semiologiques ; mais le probleme pose par l'oralite n'est pas celui d'une litterature orale. L'oralite ne saurait entrer en compte que par le biais de la representation graphique d'une part, et de la traduction stylistico-phonetique d'autre part, des inflexions sonores propres a telle ou telle maniere de locution ; elle ne saurait definir une litterarite, constituer une pratique litteraire specifique, en lieu et place du scriptu-raire : une litterature orale est une litterature dont on enregistre par ecrit la production. La production fixee, ou les divers etats fixes de la production transforment la mobilite des multiples possibles, inherente a differents actes de paroles, en texte. Le stereotype de repetitions orales sans cesse renouvelees a vocation textuelle ; la marque indelebile d'une unique prestation exclusivement orale, si elle doit etre conservee, a vocation textuelle. Il ne faut donc pas confondre support materiel, variable selon les occurrences et les situations, et attribut essentiel du discours litteraire.

Ces remarques ne doivent pas conduire les amateurs a negliger la composante nucleaire du materiau stylistique : le son, objet privilegie des esthetes qui se jouent dans la substance de l'expression. Mais n'oublions pas non plus que le materiau elementaire lui-meme de la mise en ?uvre stylistique est le mot, meme si l'unite stylistique experimentale est le texte. Une fois de plus, c'est dans le dynamisme d'une tension que peut positive-ment se deployer l'activite du praticien de notre discipline.

10. Notion de style.

La notion de style est determinante pour evaluer la convenance entre l'objet traite et la forme du discours. Le style, composante centrale de l'elocution dans les genres rhetoriques, devint naturellement une composante tout aussi centrale dans les genres poetiques une fois que ceux-ci furent reinterpretes par reference a ceux-la. Il en resulta que l'etude de la forme des genres poetiques ne fut plus seulement l'etude des moyens d'expression (prose contre vers) ou des modes d'imitation (imitation pure ou recit), mais finit par inclure aussi l'etude des niveaux de langue en convenance avec tel ou tel sujet (ainsi la langue de la tragedie ne saurait se confondre avec celle de la comedie) et accorda une place majeure aux elements ornementaux que sont les figures de rhetorique, pensees comme un element essentiel du pouvoir de seduction que l'?uvre litteraire doit posseder a l'instar de tout discours (notamment le judiciaire). Cela aura deux consequences terminologiques et disciplinaires : d'abord, le mot rhetorique finira par se specialiser pour signifier moins l'art de persua-der en general que l'art d'agencer des figures (ce qui, avec le temps, semblera tres formel et contribuera a un discredit provisoire de la rhetorique) ; ensuite, se dessinera peu a peu le champ d'une discipline qu'on appelle la stylistique, laquelle selon l'eclairage retenu, sera

-- etude des moyens d'expression (prosodie, metrique, rythme, etc.) ;

-- etude des modes d'imitation et, plus generalement, des formes de chaque genre (d'ou la notion de stylistique des genres, visant a identi-fier les invariants structuraux du texte theatral, du texte romanesque, du texte poetique, etc.) ;

-- etude des niveaux de langue ou, plus souvent, de la langue specifique de tel ou tel auteur (le style de Racine, le style de Chateaubriand, le style de Proust, etc.) ;

-- etude des procedes ornementaux, c'est-a-dire des figures (par exemple, l'etude des images dans un texte).

11. Langue et style

On ne reviendra pas ici sur la definition de la langue pour elle-meme ; on rappellera qu'elle se presente comme un systeme grammatical commun, pour une epoque donnee, a l'ensemble des locuteurs d'une meme com-munaute linguistique. Face a ce systeme, comment definir le style ?

Marque de la personnalite d'un locuteur dans le discours qu'il prononce (ou qu'il ecrit), le style est souvent caracterise par ses traits distinctifs : il etait au XVIIe siecle ce « je ne sais quoi », difficile a definir mais reconnaissable, qui individualisait toute production.

Cette conception se rencontre encore chez O.Cressot, pour qui le style, relevant de la parole, est « le choix fait par les usagers dans tous les comportements de la langue ». Ainsi, l'usager du francais, desirant communiquer un refus, aura le choix entre : Je ne peux pas, je ne puis, je ne saurais, etc.

Ce choix peut etre conscient ou ne pas l'etre : il constitue cependant un ecart entre la langue et la realisation individuelle qu'est la parole. Ainsi defini il apparait comme « le choix que tout texte doit operer parmi un certain nombre de disponibilites contenues dans la langue ». Definir le style consistera donc a degager les composantes de ce choix. Mais le discours d'un locuteur (d'un ecrivain) peut s'accorder plus ou moins au choix conscient de formes grammaticales et syntaxiques : la part peut varier entre l'art qui choisit et la nature qui impose. Pour tenir compte de cela, R.Barthes distingue dans ce que nous avons appele « style » le style et l'ecriture. Langue et style sont, selon Barthes, deux choses qui s'imposent a l'ecrivain et dont il n'est pas responsable. La langue est un « objet social » et, comme telle, elle « reste en dehors du rituel des Lettres »; elle est « en dehors de la litte-rature » .

Le style « est presque au-dela » : « Des images, un debit, un lexique naissent du corps et du passe de l'ecrivain et deviennent peu a peu les automatismes memes de son art. ». Phenomene d'ordre germinatif, d'origine biologique, le style est «une necessite qui noue l'humeur de l'ecrivain a son langage ».

A ces deux natures, R. Barthes oppose l'ecriture qui resulte d'une inten-tion et d'un choix ; l'ecriture est alors un engagement, une fonction, un « acte de la solidarite historique ». Fenelon et Merimee, par exemple, emploient une langue differente, mais acceptant le meme jeu de conventions, il ont la meme ecriture ; au contraire, Merimee et Lautreamont utilisent le meme etat historique du francais, mais leurs ecritures sont profondement differentes. Langue et style sont des «objets»; l'ecriture est une fonction. Elle l'est de trois manieres :

a) Elle est un signal : genre litteraire, ton, le texte se designe comme «litterature » ; l'art de Flaubert perpetue chez Zola fonctionne comme un signal de « litte-rature » dans le roman proletarien et revolutionnaire.

b) Elle est une valeur : elle altere le sens des mots auxquels elle donne des valeurs nouvelles ; elle est intimidation, accusation ; democratie, liberte, ordre, etc. changent de sens selon l'ecriture ideologique qui les emploie.

c) Elle est un engagement : elle exprime l'attachement a un ordre, a une classe. Il existe en effet des ecritures de classes, des ecritures ideologiques; les adopter, c'est par la meme affirmer une adhesion.

La langue est, avons-nous dit, l'ensemble des moyens dont disposent pour communiquer les usagers d'une meme communaute linguistique. Ces moyens ne forment pas un ensemble homogene, identique malgre les temps, les lieux et les groupes. Au contraire, existent des sous-systemes qui, dans un texte, interferent frequemment. C'est a la stylistique de les demeler et de rendre compte de leur utilisation.

Une histoire de la langue francaise permet de dresser un inventaire (incomplet bien sur) des moyens linguistiques d'une epoque et d'un groupe donnes. Le lexique et la syntaxe des gentilshommes du XVIIe siecle ne sont pas tout a fait ceux des philosophes du XVIIIe, qui different encore de ceux des jeunes gens romantiques de 1830. Ainsi existe-t-il des langues d'epoques, mais aussi des langues de classes sociales et des langues de groupes sociaux : langue des paysans, des intellectuels, des bourgeois ; langue de l'Administration, de l'Universite, de l'Eglise ; langage des corps de metiers, des techniques diverses, des partis politiques, des mouvements d'idees ; argot des lyceens et des etudiants (de l'ecolier limousin de Rabelais jusqu'a nous), des spor-tifs, des journalistes, des « mauvais garcons», des militaires, etc. A tout cela s'ajoutent encore les traits regionaux fournis au francais par les langues ethniques (breton, catalan, occitan, basque, etc.) et les traits que l'age et le sexe contribuent a distinguer (parler des enfants, opposition du lexique jeunes gens/jeunes filles). Tout cela represente une masse considerable de faits que la stylistique ne pourra ignorer puisque style et ecriture puisent leurs materiaux dans cette masse.

Chaque style individuel ou collectif sera choix dans cette masse. Ainsi pourra-t-on admettre avec H.Morier un classement des styles (style pindarique, onctueux, pastel, intime, nom-breux, plastique, etc.) groupes en «caracteres» (faibles, delicats, equilibres, posi-tifs, forts, hybrides, subtils, defectueux). H.Morier aboutit a 70 types de styles, chiffre important et derisoire puisqu'il semble a la fois multiplier les sous-categories dont les limites interferent et ne pas dire cependant ce qui est specifi-que au Zola de Germinal et au Baudelaire de La Charogne, tous deux classes dans le style naturaliste epique.

On remarquera que les denominations memes des differents styles sont relativement « laches » et qu'elles ne dessinent pas des contours d'une grande nettete. On remarquera que ces denominations relevent ou d'un certain impressionnisme ou du lexique de la caracterologie. Cela n'a rien d'etonnant : le style (style -- temperament -- + ecriture -- choix volontaire) est chose complexe, phenomene ou se rencontrent des traits qui appartiennent a la biologie, a la psychologie, a la sociologie, a la culture de l'individu qui ecrit.., et ces traits peuvent etre plus ou moins conscients, plus ou moins voulus. Et meme si la stylistique doit s'efforcer d'etablir ses propres categories et ses classements propres, elle ne peut pas ignorer que l'objet de son etude est un fait humain riche de rencontres diverses. « ... Si le style est lie au temperament, au caractere, a la condition sociale, a la vision de l'homme, comme cela est generalement reconnu, il est clair que la science du style doit se fonder sur une etude ration-nelle de ces relations ».

Pour R.Jakobson, il y a style lorsqu'un enonce est produit pour lui-meme (« la visee du message en tant que tel ») et non pas uniquement pour transmet-tre une information. Ainsi un enonce tel que La lune monte dans le ciel et luit a l'horizon ne vise qu'a communiquer une observation ponctuelle. Au contraire, cette communication s'accompagne d'une elaboration -- acte volontaire par lequel on transforme un message ephemere en une forme durable -- lorsque Lamartine ecrit:

Et le char vaporeux de la reine des ombres monte et blanchit deja les bords de l'horizon.

Cette elaboration qui definit le style met en relief l'acte poetique volon-taire. Mais elle se trouve devant deux difficultes :

-- Une difficulte theorique : cette position tend a concevoir le style comme un ornement qui s'ajouterait au message ;

-- Une difficulte pratique : le resultat de toute elaboration n'est pas necessairement style ; au bout, il peut simplement y avoir une production plate et anonyme:

«Un poeme de l'abbe Cottin est aussi elabore qu'un sonnet de Baudelaire».

Cette conception est, en fait, celle d'une stylistique de l'ecart.

Nous avons vu, effectivement, que l'on definissait d'une maniere com-mode le style comme un ecart entre la langue et l'usage particulier qu'en fait tel sujet parlant. Cette definition traditionnelle, evidente a premiere vue, se heurte a un certain nombre de difficultes : parler d'ecart suppose qu'on peut identifier les frontieres qui lui donnent une existence. Cette identification est-elle possible ? Si l'on appelle ecart un fait de parole qui constituerait une faute par rapport au code de la langue, on verra bien vite que le champ d'application concerne par cette definition se revele forcement limite : la conjugaison de Zazie (R. Queneau) ou de Berurier (San-Antonio) n'est en infraction qu'envers le code de la langue soutenue, mais rend bien compte du paradigme du code d'une cer-taine langue parlee. Dans ce cas, l'ecart n'est finalement pas autre chose que l'usage d'un sous-code linguistique.

Cette position permet de proceder a des inventaires precis. Il est, en effet, facile de classer les infractions au code de la langue soutenue que l'on rencontre dans cette expression courante dans la bouche de Berurier : « Le mec dont au sujet duquel je vous cause...» Mais cette position ne permet guere d'obtenir un bon resultat avec le vers celebre de Victor Hugo: «Sa barbe etait d'argent comme un ruisseau d'avril». On pourra repondre que le vers de Hugo represente ici, non pas une infraction au code de la langue, mais une difference par rapport au niveau non marque de la parole -- quelque chose comme un « degre zero de l'ecriture » (R.Barthes), sorte d'etat neutre, d'usage moyen dont on admet l'existence -- et que cette difference est un ecart qui permet de definir le style. Le celebre Aujour-d'hui, maman est morte de Camus representerait assez bien ce niveau non marque ; mais cette « non-marque » envahirait-elle L'Etranger du debut a la fin, elle defini-rait finalement un style : le choix d'une ecriture non marquee (encore faudrait-il pouvoir dire ou commence et ou finit une telle ecriture) est, en fin de compte, une marque voyante. En revanche, s'il est vrai que le style est ecart par rapport a l'usage non marque, il faudrait admettre que le Voltaire qui suit, dans sa correspondance, l'usage soutenu du francais de sa classe et de son temps, n'a pas de style.

On s'apercoit vite, a la suite de Mounin, que la notion d'ecart bute sur une difficulte importante : tout choix n'est pas style, et certains ecarts ne sont, apres tout, que « des gadgets stylistiques sans aucune fonction poetique ». L'ecart est, certes, une caracteristique du style, mais, a lui seul, il ne saurait faire tout le style ; il peut meme n'avoir qu'une place restreinte (exemple de la correspon-dance de Voltaire). A cela, on ajoutera que la marque elle-meme est relative : un cliche qui repre-sente une « non-marque » dans l'usage courant peut devenir une marque dans un texte litteraire par exemple ; inversement, un mot banal dans un poeme de Michaux qui privilegie les neologismes, inconnus du langage usuel, prend le relief particulier d'une marque distincte.

Les stylistiques de l'ecart ont donne des resultats interessants, souvent admirables. G.Marouzeau, R.Jakobson, avec des demarches differentes, ont fonde leurs travaux sur cette notion. Peut-etre, pour eviter les ecueils que nous venons d'enumerer brievement, pourrait-on remplacer la notion d'ecart par celle de variables. Plutot que d'essayer de definir l'ecart par rapport a un code, vaudrait-il mieux essayer de cerner des variables par rapport a d'autres variables, cela par la delimitation d'un corpus. Pour eviter aussi cet ecueil que constitue l'ecart, M.Riffaterre remplace la norme par le contexte et fait appel a la notion de probabilite. L'ecrivain, en effet, utilise un surcodage constitue de procedes dont le role est de souligner (« le langage exprime » -- « le style souligne »). Par ce surcodage, il rend imprevisibles les elements qu'il desire imposer au decodage. Plus cette imprevisi-bilite est grande, plus la probabilite donc est faible, plus il y a style.

Mais on remarque que, ici encore, on en est reduit a mesurer un ecart (entre ce que l'on attend d'apres le contexte, et ce que le texte nous donne). Cet ecart est bien mince dans la correspondance de Voltaire ou le degre de probabilite est grand. Peut-on dire que le style de Voltaire existe a peine ?

Ce que nous venons de voir nous montre que le style est un phenomene complexe, difficile a enfermer dans une formule generale, ou dans une mesure simple et universelle. On aura besoin de bien des outils pour arriver a le cerner d'une maniere satisfaisante. C'est que l'oeuvre litteraire est un temoignage humain, personnel, et que, comme tel, elle met en mouvement un reseau complique et deli-cat d'elements divers. On approchera peut-etre un peu plus de la realite du style avec la notion de connotation.

Si tout signifiant a un signifie linguistique connu des membres de la meme communaute parlant la meme langue, il n'en est pas moins vrai que tout signi-fiant comporte un certain nombre de donnees de nature non linguistique qui ne coincident pas d'un sujet parlant a un autre. Nous n'apprenons pas les mots dans des situations identiques ; cela explique que chacun de ces mots porte une charge affective qui varie d'individu a individu. C'est pourquoi tel poeme me bouleverse qui n'atteint mon voisin que mediocrement.

C'est pourquoi la stylistique est chose si difficile : les connotations sont essentielles pour comprendre ce qu'est le style de tel ecrivain et pour comprendre pourquoi cet ecrivain me touche ; mais le domaine qu'elles nous revelent est difficile: une analyse scientifique, systematique donc, est encore a inventer. On peut cependant tirer tout le parti possible de ce que la linguistique nous offre et, donc, reduire le champ de nos incertitudes par l'utilisation metho-dique des moyens d'investigation qu'elle nous propose : donnees de la linguisti-que historique et donnees de la linguistique descriptive dans tous les domaines : phonique, morphologique, syntaxique, lexical.

Du Moyen Age au XIXe siecle, la stylistique est tout entiere contenue dans la rhetorique, heritee de l'Antiquite. La rhetorique, « a la fois science de l'expres-sion et science de la litterature », se preoccupait de l'analyse du discours : de son argument (inventio), de sa composition (dispo-sition, du choix de ses termes (elocutio -- etude des figures ou tropes).

Art de composer un discours et art de persuader par consequent, la rhetorique a sans cesse montre un double visage : normatif et descriptif (puisque son analyse lui fournissait les moyens de son enseignement). En refusant la visee normative de cette discipline (refus legitime, car un art d'ecrire n'avait plus sa raison d'etre), le romantisme a contribue a sa ruine. Depuis, la rhetorique est tenue en bien mediocre estime. C'est trop vite oublier (une fois denonces son aspect contraignant et sa «rage de nommer», comme l'ecrit G.Genette) que ses classifications correspondaient a quelque chose et que sa description est encore aujourd'hui la seule dont nous disposions sur certains aspects du langage (elle nous offre avec une rigueur vraie « une etude systematique des ressources du lan-gage»).

Cependant, reconnaitre que « l'on a jete parfois le bebe avec l'eau du bain » ne signifie pas que la stylisti-que contemporaine doive revenir a l'ancienne rhetorique ; et reconnaitre la valeur de ses classements ne signifie pas davantage que l'on doive accorder une confiance aveugle en leur efficacite, ne serait-ce au moins que parce que « l'effet d'une figure varie avec le contexte ».

De fait, malgre le regain d'interet que connait actuellement la rhetorique, la stylistique garde ses distances avec cette discipline dont elle a, plus ou moins, retenu les lecons. On est d'abord passe, sous l'influence de la linguistique historique, par un grand vide : le style que les epithetes ne qualifient plus avec precision (style tragique, par exemple, n'exprime plus qu'une impression et non une description objective comme c'etait le cas a l'epoque classique), n'est plus l'objet d'une etude scientifique. Puis, avec Ch.Bally, dont les recherches procedent cependant de l'ancienne rhetorique, on n'a que mepris pour les « termes techniques et rebarbatifs» qu'elle proposait. Ce mepris, pourtant, est reconfortant : il annonce qu'au vide succede l'etude et que le style, redevenant objet d'analyse, reprend place parmi les preoccupations des linguistes ; c'est que l'ecole saussurienne a retrouve le probleme du style, du fait meme qu'elle pose l'opposition langue/parole. Mais, mefiante envers l'acte original que constitue le style individuel, elle s'interessera au premier chef a l'etude des styles collectifs. Ce sera ce que l'on appelle la stylistique de l'expression. Au contraire, sous l'influence de l'ecole idealiste (Schuchardt), on s'etait mis a penser que le style individuel etait interessant puisqu'il etait veritablement l'homme et qu'il contenait, outre un art qui puisait ses moyens dans une langue commune a tous, toute l'originalite et la personnalite de l'ecrivain. Aussi l'etude du style sera-t-elle, non le classement des faits de langue consideres en eux-memes, mais la recherche de l'esprit qui preside a la mise en ?uvre des materiaux qu'ils constituent, qui preside en definitive a la creation litteraire.

La stylistique descriptive ne se preoccupe que du fait linguistique pris en lui-meme. C'est Ch.Bally (eleve et successeur de F.de Saussure) qui a fonde veritablement la stylistique descriptive en tant qu'etude systematique: « La stylistique etudie les faits d'expression du langage du point de vue de leur contenu affectif, c'est-a-dire l'expression des faits de la sensibilite par le langage et l'action des faits de langage sur la sensibilite ». Mais Ch.Bally etudie surtout la valeur expressive des structures linguistiques plutot que leur role ponctuel dans telle situation precise. C'est dire que sa demar-che est une stylistique de la langue, non une stylistique de la parole ; et que Ch.Bally ne se preoccupe point de l'usage particulier qu'un ecrivain, par exemple, ferait de ces structures dans un cas donne. Ce serait la affaire de « style » (= de critique litteraire), non de stylistique.

Les valeurs stylistiques. Soit un enonce : [bosup m0sj0 kupbs]. Cet enonce, en plus d'une valeur notionnelle (les sons articules independamment de toute intonation particuliere informent mon interlocuteur de mon salut), a une valeur expressive et une valeur impressive. Celle-ci est faite d'une intention qui cherche a produire une impression sur l'interlocuteur (respect, ironie, indifference feinte etc.); celle-la trahit les origines sociales, les tendances psychologiques du locuteur. Ces deux valeurs interessent Ch.Bally comme des valeurs stylistiques.

Ch.Bally definit ce qu'il appelle les effets naturels et les effets par evocation. L'ellipse, par exemple, qui est apte, par le raccourci qu'elle propose, a exprimer l'emotion, est un effet naturel; l'emploi d'une syntaxe argotique qui reflete l'appartenance a une classe sociale ou a une mentalite particuliere est un effet par evocation. C'est dire que la stylistique de Ch. Bally s'interessera aux tons (familier, soutenu, etc.), aux styles (familier, epique etc.), aux diverses langues (parlers d'epoque, langues des groupes sociaux, influences regionales et dialectales, etc.) et dans chaque categorie citee, elle etudiera les composantes linguistiques que sont la phonetique, la morphologie, la semantique et la syntaxe.

12. Analyse linguistique du recit

S'exercant sur un discours, la stylistique ne peut guere se passer, comme nous avons vu, des enseignements que peut lui fournir la lin-guistique : connaissance historique de la langue, description de la substance phonique qu'est un texte, description de la morpho-syntaxe de la langue dans laquelle le texte est ecrit, connaissance du lexique, etc. Faute de tenir compte des observations positives faites par le linguiste, la stylistique se dirigerait vers l'impres-sionnisme de la critique litteraire pratiquee par ce que l'on appelle l'honnete homme. Aussi a-t-on essaye d'introduire la methode et les concepts de la linguisti-que dans l'etude du recit, c'est-a-dire au-dela de la phrase. Generalement, la linguistique, en effet, s'arrete a la phrase qui est « le plus petit segment qui soit parfaitement et integralement representatif du discours » (A.Martinet) : « Ayant decrit la fleur, le botaniste ne peut s'occuper de decrire le bouquet ». Mais, comme la phrase, le discours (ensemble de phrases) est un ordre, organise, avec ses regles, ses unites, sa grammaire : «Au-dela de la phrase et quoique compose uniquement de phrases, le discours doit etre naturellement l'objet d'une seconde linguistique ». Etudie a partir de la linguistique, le discours sera traite comme une grande phrase (dont les unites ne seront pas necessairement des phrases, au sens gram-matical du terme). Comme tel, il participe d'un systeme qui a sa grammaire, ses unites fonctionnelles (aux fonctions elementaires de l'analyse grammaticale cor-respondent les personnages d'un recit) et il pourra etre analyse a trois niveaux -- concept fourni par la linguistique -- de description (les fonctions, les actions, la narration).

Pour ne donner qu'un exemple, on rappellera que le premier niveau est fait de fonctions qui sont de nature distributionnelle et d'indices qui sont de nature integrative (et qu'il faut donc « denouer ») ; a ce niveau, on pourra deja donc effectuer un premier classement des recits : fonctionnels (les contes populaires), indiciels (les romans psychologiques). On peut meme ne se preoccuper que de proceder a une analyse formelle du recit qui aura le merite d'inviter a s'interroger « sur ce qu'il convient d'appeler la structure profonde du texte». Il faut, en effet, supposer que le texte est une structure si l'on souhaite le decrire scientifiquement.

On ne peut, en effet, eviter la linguistique : le texte litteraire est langage et communication, il est un objet linguistique. A partir de ce postulat, on peut poser, a la suite de M. Arrive, que le texte litteraire est clos (= « limite dans le temps et/ou l'espace » ; ou = « structuralement fini », I. Kristeva), qu'il n'a pas de referent et qu'il est soumis aux structures linguistiques (il « s'insere dans les structures » d'une langue et il « constitue par lui-meme un langage »).

C'est dire qu'il faudra tirer les consequences methodologiques de ces postulats, a savoir : l'adoption des methodes linguistiques pour la description stylistique, le refus de tout recours a un referent et aussi le refus de prendre en consideration toute information qui serait exterieure au texte a etudier.

Tout n'est cependant pas linguistique dans l'objet stylistique que consti-tue un texte litteraire. Que la linguistique fournisse au stylisticien des instruments de travail, c'est une chose. Il n'empeche : le stylisticien « reste souvent conscient que, s'il se prive de l'apport de l'histoire litteraire et refuse de considerer le contexte reel pour ne chercher les indices que dans les formes, que ce soient les formes de l'expression ou celles du contenu, une part du phenomene litteraire, l'aspect concret de celui-ci, lui echappe». C'est dire qu'il n'y a pas que les linguistes qui revendiquent le droit de parler du style et que, parmi les linguistes qui en parlent, certains revendiquent le droit d'en parler a l'aide d'outils qui n'appartiendraient pas tous a la linguistique. «La stylistique apparait au carrefour de bien des routes. La grammaire, la linguistique, la linguistique comparee, la statistique, l'histoire litteraire, la caracterologie, la rhetorique (au sens d'etude des procedes et liberee de ses aspects normatifs), la dialectologie, la critique.. projettent sur le phenomene du style l'eclairage de leurs methodes».

C'est qu'en effet, dans la bousculade des options et des methodes, on assiste a l'utilisation, dans le domaine de la stylistique, non seulement de la lin-guistique, mais de ce qu'on appelle les sciences humaines reputees rationnelles, objectives, scientifiques. Et peut-etre, apres tout, le paradoxe est-il la : tout, dans l'etude du style, n'etant pas linguistique, la stylistique tache de renforcer son efficacite en faisant appel aux outils fournis par les sciences humaines par les-quelles elle se sent concernee et par lesquelles elle souhaiterait etre solidement epaulee ; or, il se trouve que dans les sciences physiques memes, on prend conscience que l'apprehension des faits passe par la pensee de celui qui les apprehende que, bousculant ce que l'on appelait objectivite, cette pensee est deformante. C'est dire qu'il y a peut-etre illusion a vouloir evincer l'humain de l'etude du style sous le principe vain d'une objectivite sujette a caution. Cela ne signifie pas que tout effort pour fournir au stylisticien des outils solides ne soit pas utile; mais cela pose au moins le probleme de l'interpretation des resultats obtenus, de leur utilisation aussi, c'est-a-dire en definitive le probleme du role de la stylistique que de la demarche de celui qui la pratique. On peut repondre a ce probleme en renversant les donnees, en definissant l'objet de la stylistique, le texte donc, non plus par son role communicatif mais comme productivite : le texte « ouvre un ecart entre la langue d'usage, « naturelle » destinee a la representation et a la comprehension, surface structuree dont nous attendons qu'elle reflechisse les structures d'un dehors, exprime une subjectivite (individuelle ou collective) -- et le volume sous-jacent des pratiques signifiantes [...] ou les significations germent « du dedans de la langue et dans sa materialite meme » selon des modeles et un jeu de combinaisons [...] radicalement « etrangers » a la langue de la communication ». Et, au bout du compte, en refusant toute speci-ficite au texte litteraire, situe du meme coup parmi toutes les autres pratiques semiotiques, a egalite avec elles : c'est alors, proprement, nier qu'il existe un objet stylistique. Mais on peut aussi, si on pose que le texte litteraire est un objet stylisti-que, dire que « la stylistique litteraire etudie, dans le contexte historique des ?uvres et des auteurs, le probleme de l'expression, dans ses details et dans son ensemble compose». Il ne faudra pas alors s'etonner de voir la stylistique s'appuyer sur la linguistique mais ne s'appuyer sur elle que jusqu'a un certain niveau... qui ne sera pas le meme pour tous les chercheurs, ni s'etonner que les uns voient dans le stylisticien un critique litteraire pendant que les autres preserveront la qualite d'activite scientifique de la discipline qu'il pratique en n'allant pas au-dela d'un bilan qui degagera «l'adequation efficace d'un systeme expressif et d'un contenu», ni s'etonner enfin que l'intuition joue, comme dans les sciences, un role de detecteur. «Si la critique stylistique a tout a gagner aux observations d'une science du style, elle doit finalement en transcender les categories necessairement etroites».

La linguistique, etude scientifique du langage humain, a, depuis vingt ans, ete la bonne fee des sciences humaines. Il n'est pas de porte qu'elle n'ait paru devoir ouvrir miraculeusement. Elle a prete son vocabulaire a la sociologie, a la psychanalyse, a l'histoire, a l'analyse des mythes. Elle a meme deborde sur la biologie d'un cote, sur la critique litteraire et artistique de l'autre.

La linguistique est generalement definie comme l'etude scientifique du langage. Mais cette discipline, qui part donc de l'etude du langage, en arrive surtout a s'en occuper des langues.

La linguistique comme description des langues: elle s'appuie sur l'observation objective du comportement linguistique des sujets parlants; elle decrit tout ce qui caracterise en propre une langue reconnue comme telle, considerant que l'etude d'un etat de langue peut avoir valeur explicative, et pas seulement descriptive. Se proposant comme ideal les methodes des sciences de la nature et l'objectivite du physicien, elle considere une langue comme un systeme de signes linguistiques.

La linguistique comme etude du fonctionnement du langage : elle s'appuie sur une conception unitaire du langage humain, considerant que les langues particulieres ne sont que des cas particuliers du langage.

La linguistique comme une science tres developpee a plusieurs branches. Dans ce travail nous allons nous arreter sur la linguistique textuelle ou bien l'analyse de textes et nous allons essayer d'eclaircir toutes ses particularites, et ainsi que ses liens avec d'autres sciences.

Les liens de la linguistique textuelle avec d'autres sciences sont evidents. Elle est liee avec lexicologie, semasiologie et, bien sur, avec le texte lui-meme, car c'est a travers le texte qu'on decouvre toutes les facultes du mot et qu'on realise les acceptions figurees (secondaires) du langage.

La linguistique textuelle a aussi des liens avec la linguostylistique qui a pour but de decrire tous les types des textes.

Donc les domaines des recherches de ces deux sciences sont etroitement lies. Linguostylistique etudie aussi les moyens expressifs du langage, et notamment les recherches du potentiel expressif des unites de la langue des differents niveaux et leur realisation dans le texte. Les dernieres annees linguostylistique a deux directions fondamentales :

la description systematique des elements stylistiquement marques;

l'etude de leur fonctionnement.

La linguistique textuelle est liee a la syntaxe. L'etude du texte devient possible s'il existe des unites qui se caracterisent par des facultes particulieres de leurs elements.

La linguistique textuelle se differe d'autres disciplines linguistiques. Cela concerne notamment la methode des recherches : linguistique du texte se caracterise par explication des phenomenes linguistiques non seulement a l'aide d'eux-memes, mais aussi grace aux facteurs extra-linguistiques : la perception du texte et l'objectif communicatif.

Objet de la linguistique textuelle

La linguistique du texte s'occupe de systematisation des faits sur la diversite du fonctionnement des unites de la langue dans le texte.

A present la linguistique textuelle attire une attention particuliere des linguistes. Les dernieres decennies sont marquees par le vaste developpement de cette science.

Sous le nom d'analyse de textes se trouvent liees deux recherches associees mais distinctes. Il s'agit d'une part de decrire l'ensemble des structures linguistiques plus grandes que les structures traditionnellement analysees dans le cadre de la phrase.

L'interet vers l'etude du texte est conditionne par tendance d'expliquer une langue comme un phenomene global du point de vue de la linguistique moderne, comme un moyen de communication, d'etudier plus profondement les liens de la langue avec differentes cotes de l'activite humaine qui se realise a travers le texte. On peut aussi expliquer cet interet par tendance d'etudier les regularites de la langue qui ne se decouvrent que dans le texte. La linguistique textuelle est une science qui etudie la nature et l'organisation des conditions de la communication.

L'idee d'etudier le texte suivi a paru pour contrebalancer “atomisme” et d'autres methodes des recherches qui etaient proposees par les ecoles structuralistes. La linguistique structurale ne satisfaisait plus car il y avait plusieurs phenomenes qu'elle ne pouvait pas expliquer.

On peut mettre en relief quelques directions du developpement de la linguistique du texte :

1. l'etude du texte comme systeme superieur;

2. la construction de la typologie des textes selon les parametres communicatifs et les marques linguistiques;

3. l'etude des unites composant le texte;

4. la mise en relief des categories du texte;

5. l'etude des liens et des relations entre les phrases.

Notion de texte dans la linguistique textuelle

On n'a pas encore la seule notion de texte qui serait complete et porterait le caractere terminologique. Donc on va s'arreter sur celui-ci: « Le texte est une quantite de propositions qui sont liees par differents types de liaison lexicale, logique et grammaticale, capable de rendre une information organisee ».

Conformement a cela l'objet d'etude de la linguistique textuelle est le texte qui est le produit du langage parle ou ecrit.

Le texte peut se trouver dans un etat de calme ou bien dans un etat de mouvement. Son existence n'est bornee de rien.

Le texte reflete l'actualite et donne des renseignements sur cette derniere.

Il existe plusieurs conceptions qui interpretent differemment la notion de texte.

Texte litteraire

Le texte litteraire c'est un systeme secondaire parce qu'y se croisent le reflet du monde objectif et l'invention de l'auteur. La langue naturelle est un materiel de construction pour le texte litteraire. La langue du texte litteraire possede un systeme particulier de signes qui reste le meme pour differentes langues.

Regles du discours 

Par commodite, on distinguera deux ensembles de regles, d'ail-leurs etroitement lies : a) le premier reunit les regles qui permettent la relation qu'il faut instaurer entre l'enonciateur et le destinataire pour que la persuasion soit effective ; b) le second concerne, plus specifiquement, les moyens techniques qu'il faut mettre en ?uvre, c'est-a-dire le travail du texte par l'enonciateur.

Aristote distingue trois types d'arguments : l'argument ethique, l'argument pathetique et l'argument logique. Les deux premiers sont d'ordre affectif, le troisieme d'ordre rationnel. L'argument ethique renvoie aux valeurs morales qui, normale-ment, doivent s'attacher a la personne de l'orateur.

L'argument pathetique renvoie plutot aux effets de caractere psychologique que l'orateur doit susciter chez le destinataire.

L'argument logique renvoie a l'argumentation meme que l'orateur developpe, c'est-a-dire a la dialectique du discours, aux preuves qu'il choisit et a la maniere qu'il a de les agencer.

Le travail du texte. -- S'il est vrai que l'art oratoire est un tout et, comme l'appelait G. Molinie, que la personne physique de l'orateur, son sens de la gestualite, son vetement meme importent, il reste qu'il se realise essentiellement dans l'elaboration du discours. Le discours est concu comme un acte de langage complexe, traditionnellement divise en quatre temps, qu'on designe par quatre termes techniques repris par calque des traites de rhetorique en langue latine : l'invention, la disposition, l'elocution et l'action.

-- L'elocution : moment encore preparatoire, qui concerne l'ecriture meme du discours, notamment sa forme ou style. Cette exigence stylis-tique, sur laquelle insiste beaucoup Aristote, se laisse definir a partir de la notion clef de convenance. Il faut qu'il y ait un rapport aussi etroit que possible entre l'objet traite et la maniere de le traiter.

L'action : c'est « la prononciation effective du discours » ce qu'il peut impliquer d'effets de voix, de mimique et de gestique»

Liens de la linguistique textuelle avec la stylistique

Il faut bien preciser le fait que la linguistique est etroitement liee a la stylistique et surtout a la stylistique fonctionnelle.

La stylistique est a la fois une methode et une pratique, c'est-a-dire une discipline.

La stylistique est partie de la linguistique, entendue au sens de science du langage.

La linguistique, comprend incontestablement des disciplines diverses : phonetique et phonologie, semantique, lexicologie, syntaxe (pour ne citer que des domaines bien connus)... stylistique.

La stylistique est ainsi un instrument de la critique (et notamment de la critique d'attribution).

On pose le postulat suivant : une maniere litteraire est le resultat d'une structure langagiere. Decrire une structure langagiere, c'est demonter les elements qui la composent, mais auxquels elle ne se reduit pas, et mettre au jour les diverses grilles qui organisent ces elements.

La pratique stylistique ne peut donc etre que structurale.

On peut d'abord envisager de quoi est compose le champ stylistique.

Texte en cadres de la stylistique.

Toutes ces deux sciences sont unies par le meme objet d'etude : LE TEXTE. Qu'est-ce que c'est donc un texte?

Evidemment, il faut entendre texte au sens large : depuis l'unite qui se donne elle-meme comme telle (scene, chapitre, poeme), jusqu'a l'oeuvre complete et meme a la serie gene-rique.

Justement, le texte est un montage, par un cote ou par l'autre : montage de structures langagieres a la production, y compris montage, plus automatique, des modeles generaux d'expression par rapport aux types fondamentaux de discours.

La notion de style est determinante pour evaluer la convenance entre l'objet traite et la forme du discours. Le style, composante centrale de l'elocution dans les genres rhetoriques, devint naturellement une composante tout aussi centrale dans les genres poetiques une fois que ceux-ci furent reinterpretes par reference a ceux-la. Il en resulta que l'etude de la forme des genres poetiques ne fut plus seulement l'etude des moyens d'expression (prose contre vers) ou des modes d'imitation (imitation pure ou recit), mais finit par inclure aussi l'etude des niveaux de langue en convenance avec tel ou tel sujet (ainsi la langue de la tragedie ne saurait se confondre avec celle de la comedie) et accorda une place majeure aux elements ornementaux que sont les figures de rhetorique, pensees comme un element essentiel du pouvoir de seduction que l'?uvre litteraire doit posseder a l'instar de tout discours (notamment le judiciaire).

Langue et style sont, selon Barthes, deux choses qui s'imposent a l'ecrivain et dont il n'est pas responsable. La langue est un « objet social » et, comme telle, elle « reste en dehors du rituel des Lettres »; elle est « en dehors de la litte-rature » .

Le style « est presque au-dela » : « Des images, un debit, un lexique naissent du corps et du passe de l'ecrivain et deviennent peu a peu les automatismes memes de son art. ».

A ces deux natures, R. Barthes oppose l'ecriture qui resulte d'une inten-tion et d'un choix ; l'ecriture est alors un engagement, une fonction, un « acte de la solidarite historique ».

Une histoire de la langue francaise permet de dresser un inventaire (incomplet bien sur) des moyens linguistiques d'une epoque et d'un groupe donnes. Le lexique et la syntaxe des gentilshommes du XVIIe siecle ne sont pas tout a fait ceux des philosophes du XVIIIe, qui different encore de ceux des jeunes gens romantiques de 1830. Ainsi existe-t-il des langues d'epoques, mais aussi des langues de classes sociales et des langues de groupes sociaux: langue des paysans, des intellectuels, des bourgeois; langue de l'Administration, de l'Universite, de l'Eglise; langage des corps de metiers, des techniques diverses, des partis politiques, des mouvements d'idees; argot des lyceens et des etudiants (de l'ecolier limousin de Rabelais jusqu'a nous), des spor-tifs, des journalistes, des «mauvais garcons», des militaires, etc. A tout cela s'ajoutent encore les traits regionaux fournis au francais par les langues ethniques (breton, catalan, occitan, basque, etc.) et les traits que l'age et le sexe contribuent a distinguer (parler des enfants, opposition du lexique jeunes gens/jeunes filles). Tout cela represente une masse considerable de faits que la stylistique ne pourra ignorer puisque style et ecriture puisent leurs materiaux dans cette masse.

Ce que nous venons de voir nous montre que le style est un phenomene complexe, difficile a enfermer dans une formule generale, ou dans une mesure simple et universelle. On aura besoin de bien des outils pour arriver a le cerner d'une maniere satisfaisante. C'est que l'oeuvre litteraire est un temoignage humain, personnel, et que, comme tel, elle met en mouvement un reseau complique et deli-cat d'elements divers.

Du Moyen Age au XIXe siecle, la stylistique est tout entiere contenue dans la rhetorique, heritee de l'Antiquite. La rhetorique, « a la fois science de l'expres-sion et science de la litterature », se preoccupait de l'analyse du discours : de son argument (inventio), de sa composition (dispo-sition, du choix de ses termes (elocutio -- etude des figures ou tropes).

Analyse linguistique du recit

S'exercant sur un discours, la stylistique ne peut guere se passer, comme nous avons vu, des enseignements que peut lui fournir la lin-guistique : connaissance historique de la langue, description de la substance phonique qu'est un texte, description de la morpho-syntaxe de la langue dans laquelle le texte est ecrit, connaissance du lexique, etc.

On ne peut, en effet, eviter la linguistique: le texte litteraire est langage et communication, il est un objet linguistique. A partir de ce postulat, on peut poser, a la suite de M. Arrive, que le texte litteraire est clos (= « limite dans le temps et/ou l'espace » ; ou = « structuralement fini », I. Kristeva), qu'il n'a pas de referent et qu'il est soumis aux structures linguistiques (il « s'insere dans les structures » d'une langue et il « constitue par lui-meme un langage»).

Mais on peut aussi, si on pose que le texte litteraire est un objet stylisti-que, dire que « la stylistique litteraire etudie, dans le contexte historique des ?uvres et des auteurs, le probleme de l'expression, dans ses details et dans son ensemble compose »

« Si la critique stylistique a tout a gagner aux observations d'une science du style, elle doit finalement en transcender les categories necessairement etroites ».

Ouvrages etudies

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Íîâîñòè:


        Ïîèñê

   
        Ðàñøèðåííûé ïîèñê

© Âñå ïðàâà çàùèùåíû.